Article du Journal de Montréal – 19 janvier 2024

«J’avais perdu ma dignité»: difficile d’avoir accès à un examen gynécologique en chaise roulante

Des femmes en situation de handicap revendiquent des cliniques accessibles pour retrouver leur dignité

Marjorie Aunos dénonce les lacunes dans les soins de santé gynécologiques offerts aux femmes en situation de handicap. Marjorie Aunos dénonce les lacunes dans les soins de santé gynécologiques offerts aux femmes en situation de handicap. Photo Agence QMI, JOEL LEMAY


Anouk Lebel

Vendredi, 19 janvier 2024 11:30

MISE À JOUR Vendredi, 19 janvier 2024 11:30

Des femmes en situation de handicap dénoncent le fait qu’elles n’ont pas accès à des soins adaptés, une situation qui menace leur santé en plus de les mettre dans des positions dégradantes. 

«C’est plein de petits traumatismes», résume Marjorie Aunos.

La psychologue et conférencière de 46 ans a perdu toute sensation et le contrôle des muscles dans une bonne partie de son corps à la suite d’un accident de voiture il y a douze ans. 

Désormais en fauteuil roulant, la mère d’un adolescent de treize ans a eu toutes les misères du monde pour trouver un gynécologue qui pourrait replacer son stérilet, par exemple. 

Table trop haute, salles trop petites, personnel mal formé. Elle a fini par se retrouver à subir un examen dans une salle de fournitures avec cinq personnes, dont quatre hommes : deux qui lui tenaient les jambes.

«J’avais perdu ma dignité. J’aurais préféré de pas me retrouver dans cette situation. J’en pleurais», confie-t-elle.

Préjugés

À 37 ans, Sarah Limoges n’a tout simplement pas de gynécologue, faute de clinique accessible.

«Un fauteuil roulant, ça ne passe pas dans les chambres, même pas les toilettes», décrit l’intervenante sociale atteinte d’arthrite juvénile grave depuis l’âge de quatre ans.

C’est sans compter les préjugés. 

«Quand mon médecin de famille m’a demandé si j’avais une vie sexuelle, il a coché non. Il partait avec des préjugés, j’ai dû le rattraper», illustre-t-elle. 

Elle s’inquiète maintenant de ne pas pouvoir passer de mammographie, malgré des antécédents dans la famille.

«Est-ce que je vais passer sous le radar parce que notre système de santé ne peut pas nous accueillir?», demande-t-elle.

Marjorie Aunos, elle, a dû s’y reprendre à trois fois en six semaines. 

«Il fallait que je me tienne sur la machine, mais je ne pouvais pas mettre mes mains à certains endroits. C’était dangereux, j’aurais pu tomber», explique-t-elle. Photo Agence QMI, JOEL LEMAY

Après deux essais et des images non concluantes, les médecins ont dû se tourner vers une échographie des seins. 

Manque d’accès

L’organisme Moelle épinière et motricité Québec estime que de telles situations pourraient toucher 600 000 femmes dans la province.

«L’accès aux soins, c’est difficile pour les personnes handicapées en général. Pour les femmes, c’est encore pire. C’est une frustration quotidienne», remarque Walter Zelaya directeur général de l’organisme depuis 20 ans.

Il demande que Québec mette en place au moins une clinique accessible par région, de manière à ce que les femmes puissent avoir accès aux soins de base.

«En ce moment, c’est comme le tiers monde», laisse-t-il tomber.

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