De Montréal à New York, en fauteuil roulant

HOMMAGE À FRANÇOIS BERNIER DANS LA PRESSE : Nous saluons le parcours, la volonté et la ténacité de François, participant de notre service d’employabilité depuis de nombreuses années et employeur avec lequel nous collaborons régulièrement.

L’article:

« Il y a tellement de personnes handicapées qui ont abandonné. Pourtant, quand on va au-delà de nos limitations, on réalise qu’on a tout pour tripper. Jamais je ne laisserai mon handicap m’empêcher de mordre dans la vie. »

Publié le 24 février

Par Éric Martel – La Presse

Cette simple citation de François Bernier encapsule parfaitement sa philosophie. Celle qui l’a mené, avec son aide-soignant, à se rendre jusqu’à New York, en fauteuil roulant. À amasser des milliers de dollars pour la dystrophie musculaire.

Cette simple citation de François Bernier encapsule parfaitement sa philosophie. Celle qui l’a mené, avec son aide-soignant, à se rendre jusqu’à New York, en fauteuil roulant. À amasser des milliers de dollars pour la dystrophie musculaire.

François souffre d’amyotrophie spinale, une maladie dégénérative qui entraîne l’atrophie des muscles. Il vit avec des maux de dos. Une capacité respiratoire plus faible. Il ne peut bouger que quatre des doigts de sa main droite.

Rien de cela ne freine ses ambitions. Bien au contraire. Lorsqu’on s’attable dans sa cuisine pour réaliser cette entrevue, on remarque une carte du monde, remplies de punaises.

François a voyagé beaucoup plus que le commun des mortels. Il possède une maîtrise de HEC Montréal. Une entreprise à succès dans le domaine de la stratégie web.

On peut maintenant ajouter un exploit sportif de taille à son curriculum vitæ.

« Tu ne verras jamais François s’apitoyer sur son sort. Il veut être dans l’action, essayer plein de choses. Il a l’air de n’avoir peur de rien », décrit son aide-soignant, Jean-Philippe Dubois.

Les deux se sont rencontrés en 2017. Jean-Philippe préparait une longue expédition à vélo avec un groupe, et cherchait une cause à soutenir. Par l’entremise de connaissances, il a entendu parler de François, qui, avec quelques amis, rêvait d’aller au festival de musique électronique Tomorrowland.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE François Bernier

Jean-Philippe a donc amassé les fonds nécessaires pour permettre à François et son groupe de réaliser leur rêve.

De là, une amitié est née. Une amitié dans laquelle les deux complices se motivent à dépasser leurs limites respectives.

« On s’alimente, résume Jean-Philippe. On trouve souvent des idées marginales, et des moyens de les réaliser. »

Un exemple ? Il y a un an, François a fait des tours à l’intérieur du Stade olympique pendant deux plages horaires de 12 heures, lors de deux jours consécutifs. Il était soit sur son fauteuil électrique, soit poussé par Jean-Philippe.

Le défi peut sembler étrange en soi. Mais il a permis la récolte de 12 000 $ pour la dystrophie musculaire. « C’était vraiment le fun. On était fiers. Mais je voulais qu’on passe à un autre niveau », raconte François.

Plus loin encore

De là est venue l’idée d’accomplir un défi plus grand. Un défi qui allait permettre d’amasser encore plus d’argent pour la cause. Eurêka : pourquoi pas une mégaexpédition à New York ? François serait installé dans son fauteuil. Jean-Philippe le pousserait. Tout simplement.

« Dans les dernières années, j’avais recommencé à faire du patin à roulettes, explique Jean-Philippe. Un peu comme tout le monde, j’avais oublié ce sport à l’âge de 10 ans. Mais pour ce défi, on a réalisé que c’était juste parfait. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Jean-Philippe Dubois

C’était juste parfait… en apparence. « On est partis en ne sachant aucunement si on serait réellement capables de le faire, admet candidement François. Une semaine avant de partir, on n’avait toujours pas de chaise adaptée à la situation. On était juste curieux de voir ce que ça allait donner. »

C’est donc devant le scepticisme général que François et Jean-Philippe se sont installés sur la ligne de départ, au parc La Fontaine, en juillet 2024.

Les gens ne nous prenaient pas au sérieux. Ils pensaient qu’on était fous. Ça ne faisait que nous motiver davantage.

-François Bernier

Galvanisés, ces négligés ont parcouru les premiers des 700 kilomètres qui les attendaient, sur 10 jours.

Chaque jour présentait son lot d’aventures. Vu l’imprévisibilité de leurs efforts, ils ne réservaient aucun hôtel. Ils s’arrêtaient où bon leur semblait, au fil de leur progression.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE FRANÇOIS BERNIER François Bernier et Jean-Philippe Dubois

Prendre une pause était nécessaire à chaque tranche de 20 kilomètres parcourus, puisque François développe rapidement des maux de dos lorsqu’il est trop longtemps assis. Le répit plaisait à Jean-Philippe aussi. Notamment en raison des montées constantes – qui représentaient une élévation totale de 3500 mètres sur la durée du trajet –, mais aussi de la chaleur accablante. Le mercure oscillant autour des 35 degrés ne facilitait en rien la tâche.

« Les montées, c’était quasiment du surplace, rapporte Jean-Philippe. Tu pousses, mais tu vois à peine ta progression. Je voyais François suer en malade dans sa chaise, et j’essayais d’aller plus vite pour l’aider. Mes jambes devenaient rapidement très lourdes. »

Sur la route, le duo insolite attirait l’attention. « Disons que les gens qui habitent dans des coins ruraux des États-Unis n’ont pas trop l’habitude de voir un gars en rollers qui en pousse un autre en fauteuil roulant, lance Jean-Philippe en riant. On venait nous voir, on nous filmait, on nous prenait en photo. Il y a même quelqu’un qui m’a lancé de l’argent. »

Sur l’air d’un monde meilleur

François, lui, rapportait les détails de leur excursion sur les réseaux sociaux. Chaque jour, les donateurs se multipliaient, rapprochant tranquillement nos athlètes de leur objectif : amasser 20 000 $.

Au huitième jour, leur campagne a toutefois commencé à battre de l’aile. Ils n’avaient obtenu que 200 $ de dons en une journée. Ils stagnaient à 4000 $ de leur objectif.

« On venait de connaître notre journée la plus dure physiquement. On commençait à se décourager. On avait l’impression d’avoir fait tous ces efforts-là pour rien », raconte François.

Puis, le miracle.

On ne sait pas trop ce qui est arrivé, mais le matin de notre dernière journée, on s’est levés, et notre objectif de dons était atteint. Tout a débloqué d’un coup. C’était incroyable.

-François Bernier

Victorieux, François et Jean-Philippe ont donc filé vers leur destination, Central Park. Leur chemin s’est arrêté sur la plaque commémorant la chanson de John Lennon Imagine. C’est d’ailleurs sur cet air qu’ils ont achevé leur défi.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE FRANÇOIS BERNIER François Bernier et Jean-Philippe Dubois sur la plaque commémorant la chanson de John Lennon Imagine, dans Central Park

« C’est ma chanson préférée. Elle était juste parfaite pour l’occasion. Ça parle d’un monde meilleur. Un monde dans lequel il y a plus de paix, plus d’amour », résume François.

L’odyssée de François et Jean-Philippe, c’était aussi un plaidoyer. Ils voulaient faire réaliser aux gens l’importance d’intégrer les personnes en situation de handicap à la société.

Vous pourriez dire qu’ils étaient des rêveurs. Mais ils n’étaient pas seuls. En fin de compte, ce sont 279 donateurs qui les ont soutenus, pour un total de 24 620 $.

Objectif quadruplé

À ce point-ci, vous aurez sûrement compris que François et Jean-Philippe sont du genre à toujours en vouloir plus. Ils ont donc déjà un nouveau défi prévu. L’été prochain, ils traverseront la France, de Dunkerque jusqu’à Marseille, toujours en patins à roues alignées. « L’idée, c’est de toucher la mer du Nord jusqu’à toucher la Méditerranée », résume Jean-Philippe.

L’épopée sera exactement deux fois plus longue que celle vers New York. Mais leur objectif financier, lui, sera quatre fois plus ambitieux. C’est maintenant 100 000 $ pour la dystrophie musculaire que nos héros espèrent amasser.

« On a atteint près de 25 000 $ la dernière fois sans trop pousser. Si on a une stratégie, on croit pouvoir atteindre un autre niveau complètement. On s’est donné une crédibilité en réussissant notre dernier défi, ce ne sera plus pareil », estime Jean-Philippe.

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