3 décembre – Journée internationale des personnes handicapées
Lettre ouverte
En cette journée internationale des personnes handicapées, le CODDPSH (Collectif des organismes en défense des droits des personnes en situation de handicap) constate avec amertume qu’il n’y a malheureusement pas de raison de fêter. En effet, depuis sa création en 2020, le CODDPSH souligne à grands traits les lacunes et manquements à l’égard des personnes en situation de handicap (PSH). Nous constatons une litanie de douleurs pour cette population dont les problèmes en 2023 sont les mêmes que ceux dénoncés dans les dernières années. Les difficultés que la province rencontre actuellement ont par ailleurs amené ces problématiques à se cristalliser davantage. Nous utilisons notre plume aujourd’hui, pour dénoncer l’inaction du gouvernement de la Coalition avenir Québec qui fait la sourde d’oreille aux demandes des PSH.
Sur le plan législatif, nous avons choisi comme société de protéger et de garantir sans discrimination, l’exercice des droits des PSH avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous avons adopté la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, qui responsabilise différents acteurs publics en ce qui a trait aux besoins de ces personnes. Notons également la politique À part… égale, adoptée en 1984 et devenue en 2009 À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité dont le but est d’augmenter la participation sociale des PSH. Malgré nos outils législatifs pour protéger les droits de ces personnes, qu’en est-il dans les faits? Dans les faits, les PSH peinent à faire entendre leurs besoins et respecter leurs droits dans presque toutes les sphères de leur vie.
Malgré la protection législative, cette population n’est pas priorisée dans le réseau de la santé et elle peine à avoir les soins médicaux nécessaires. En dépit de leurs besoins particuliers, l’attente pour voir des spécialistes peut atteindre 12 à 18 mois. Le personnel non spécialisé a souvent une méconnaissance de cette population et certaines personnes sortent d’une hospitalisation avec davantage de complications qu’à leur arrivée. Par ailleurs, encore en 2023, l’accès à l’équipement médical adapté est toujours un enjeu majeur et ce particulièrement pour les examens destinés aux femmes. De même, nous relevons un recul dans l’accès à des services de soutien à domicile! Les PSH reçoivent rarement le nombre d’heures de services nécessaires au regard de leur condition de santé et elles peinent à conserver leurs préposés. De son côté, le réseau public semble incapable d’assurer des services fiables et adéquats.
Un autre obstacle tant de fois dénoncé est le transport adapté difficilement accessible, et ce, à Montréal comme en région. Dans la métropole, l’avènement du Réseau express métropolitain (REM) laissait espérer beaucoup en matière d’accessibilité universelle. Il s’est avéré être très décevant, en faillant à assurer l’accessibilité et la sécurité des personnes ayant des déficiences motrices et visuelles. Dans les régions et les périphéries, on parle carrément de crise du transport adapté. Plusieurs secteurs continuent de voir leur service régional de transport adapté réduit tandis que les taxis adaptés sont en exode. La situation n’est guère meilleure pour les conducteurs en situation de handicap qui ne peuvent pas savoir avec certitude si une place de stationnement réservée les attendra à leur destination. Comme la règlementation provinciale encadrant cet enjeu n’a pas été mise à jour depuis plusieurs dizaines d’années, les exigences en vigueur sont complètement déconnectées des besoins réels.
Par ailleurs, la conjoncture économique difficile à laquelle est confrontée la population québécoise frappe d’autant plus durement les PSH. L’inflation actuelle exerce une pression accrue sur leurs finances déjà limitées et plusieurs peinent à boucler les fins de mois. Or, alors qu’un grand nombre d’entre eux pourraient occuper un emploi et apporter une plus-value à notre société, cette dernière est encore peu ouverte à les intégrer sur le marché du travail. Même cas de figure par rapport à la crise du logement que traverse la province. Depuis plusieurs années, le nombre de logements adaptés est largement insuffisant par rapport à la demande et rien n’est fait par les instances gouvernementales pour améliorer les choses. De plus, le programme d’adaptation de domicile est toujours très problématique de par ses montants insuffisants, ses délais de traitement et ses critères d’attribution.
Nous relevons que le dossier pour lequel les PSH auraient pu célébrer est celui des pénalités discriminatoires du Régime de rentes du Québec, mais le gouvernement met tout en œuvre pour la maintenir en vigueur. Effectivement, après plus de 10 ans de batailles politique et juridique, le Tribunal administratif du Québec avait enfin déclaré la pénalité discriminatoire. Or, le gouvernement a porté le jugement en appel, malgré l’opposition unanime des groupes communautaires, citoyens et des partis de l’opposition.
La CAQ n’étant pas uniquement responsable de maintenir cette discrimination directe, elle fait aussi de l’aveuglement volontaire puisque plusieurs revendications pertinentes il y a 30 ans sont toujours d’actualité, comme l’accessibilité universelle des établissements publics et privés. De plus, nous remarquons toujours une indolence particulièrement tangible pour les droits des personnes se trouvant à la croisée des oppressions et historiquement marginalisées. Nous pouvons notamment penser aux personnes en situation de handicap issues de l’immigration ainsi que les femmes et les filles handicapées. Il est important de rappeler que les violences faites à ces dernières restent toujours taboues et invisibilisées. Malgré des décennies de luttes et de revendications, ces dernières ne peuvent pas avoir une trajectoire de sortie de violence sécuritaire quant aux violences qu’elles vivent.
Cette liste de constats force à remettre en question l’importance des PSH pour notre gouvernement. Le CODDPSH, souhaite mettre en lumière que le cumul de ces problématiques peut rendre le quotidien insupportable, chaque action étant semée d’embuche et de contrariété. Ne sachant plus vers qui se tourner pour conserver leur dignité, on observe de plus en plus de situations où les PSH vont prendre des décisions radicales par dépit, soit notamment, l’aide médicale à mourir. C’est pourquoi le CODDPSH demande aux noms des PSH, que l’ensemble de leurs besoins et de leurs droits soient respectés!
Adèle Liliane Ngo Mben Nkoth, Anabelle Grenon Fortin, Ariane Gauthier-Tremblay, organisatrices communautaires en défense des droits – MÉMO-QC
CODDPSH-Collectif des organismes en défense des droits des personnes en situation de handicap
Action Des Femmes et Handicap
Association Multi-Ethnique Pour L’Intégration des Personnes Handicapées Du Québec – AMEIPSH
Centre communautaire Radisson
Ex aequo
Institut National pour l’Équité, l’Égalité et l’Inclusion des personnes en situation de handicap
Moelle Épinière et Motricité Québec
Regroupement des usagers du transport adapté et accessible de l’île de Montréal
Réseau international sur le processus de production du handicap