Bilan du dossier de la rente d’invalidité de MÉMO-Qc

Notre organisme, Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc) mène depuis 2013 des représentations auprès de diverses instances visant à démontrer l’iniquité d’une modification appliquée par Retraite Québec envers les bénéficiaires de la rente d’invalidité (RI) ayant moins de 65 ans et vivant avec une limitation attestée par l’équipe d’évaluation médicale de l’instance gouvernementale après le 1er janvier 1999.

Le communiqué de presse diffusé cette semaine par MÉMO-Qc sur ce dossier  est disponible ici : https://www.moelleepiniere.com/?p=7929

 La discrimination dénoncée

À titre de résumé de ce dossier complexe, mentionnons que la RI a été instaurée pour assurer un revenu de base aux personnes ayant déjà cotisé au régime et qui, à cause d’incapacités importantes, ne peuvent plus exercer d’emploi rémunéré. C’est dans ce même esprit qu’elle fut implantée à travers le Canada. En 1997, des années après sa création, le gouvernement du Québec a apporté une modification importante à la RI sans équivalent dans le reste du Canada. Cette modification a des répercussions négatives sur les bénéficiaires de la RI et va même à l’encontre des objectifs poursuivis lors de l’instauration de cette dernière. En effet, depuis cette modification, le Québec applique aux bénéficiaires de la RI la même pénalité que celle imposée aux bénéficiaires ayant choisi de prendre une retraite hâtive.

Autrement dit, les bénéficiaires de la RI se voient actuellement imposer une pénalité de 0,5 % par mois où elles ont touché la rente entre 60 et 65 ans. Ainsi, une personne ayant reçu une rente de retraite dès l’âge de 60 ans verra sa rente diminuée de 30 % à partir de 65 ans. Notons que cette pénalité augmentera graduellement pour atteindre 38 % en 2018.

Ainsi, nous considérons injuste l’application uniforme d’une pénalité à l’ensemble des bénéficiaires alors qu’il est clairement démontré, tant par leurs conditions d’admission que leur réalité sociale et financière, que leur situation est différente. En effet, alors que les bénéficiaires de la rente de retraite font un choix éclairé de prendre une retraite hâtive, les bénéficiaires de la RI ne peuvent cesser de vivre avec une limitation grave et permanente entre 60 et 65 ans. Ils n’ont donc d’autre choix que de subir cette injuste pénalité, ce qui nous semble démontrer l’inadéquation de la visée d’équité entre les travailleurs soutenue par Québec pour justifier cette modification.

Historique des démarches

Au départ, ce dossier a été porté à notre attention par un de nos membres, Jacques Dubois, qui a vu sa rente de retraite être amputée de 30 % du fait qu’il avait reçu une rente d’invalidité entre l’âge de 60 et 65 ans.

Un comité de travail a donc été formé dans le but de mener toutes les démarches nécessaires pour dénoncer cette situation qui affectera de manière exponentielle l’ensemble des personnes handicapées de la province dans les années à venir, toutes limitations confondues.

Au cours des dernières années, ce comité a mené de multiples représentations pour faire modifier la règlementation. En premier lieu, il s’est adressé à la Régie des rentes du Québec (RRQ). Cette dernière a répondu que la modification avait fait l’objet d’une consultation lors de sa mise en place et que la population ne s’y était pas opposée, tout en justifiant la modification par divers arguments que MÉMO-Qc juge non recevables.

Dès le départ et lors de chaque représentation subséquente faite auprès d’instances gouvernementales, on nous a répondu qu’il fallait attendre la consultation publique afin de faire valoir la position de l’organisme. Cette consultation devait initialement se tenir en 2015 et a été, depuis, repoussée à plusieurs reprises.

Le comité a ensuite interpelé la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), qui a considéré qu’il s’agissait d’un dossier de nature administrative relevant du Protecteur du citoyen. Ce dernier, pour sa part, a considéré qu’il s’agissait d’un dossier de discrimination relevant de la CDPDJ.

Devant cette impasse, le comité a produit un avis très fouillé sur l’ensemble du dossier permettant de démontrer fiscalement les impacts de la mesure sur les individus et de construire un argumentaire venant démonter les arguments de la RRQ.

Parallèlement à ce travail, des représentations ont été menées auprès de l’Office des personnes handicapées du Québec pour qu’il appuie le dossier et fasse des recommandations auprès du gouvernement.

MÉMO-Qc a tenté de mobiliser l’ensemble du milieu communautaire des personnes handicapées, de même que ses membres, pour qu’ils s’approprient ce dossier, appuient les démarches en cours et en mènent également de leur côté.

MÉMO-Qc a également mené des démarches au niveau politique. Nous avons rencontré des députés de l’opposition officielle et demandé au gouvernement en place de corriger la situation.

Par ailleurs, notre organisme a interpelé les médias à différents moments de ces démarches pour que le public prenne conscience de l’impact de cette discrimination.

En conclusion, malgré tous les efforts déployés, les résultats obtenus ont été relativement décevants. MÉMO-Qc s’est donc résolu à attendre la tenue de la grande consultation annoncée pour finalement faire valoir ses points.

Une consultation antidémocratique

Cette consultation a finalement été lancée dans le cadre d’une Commission des finances publiques (CFP) en cachette, le 21 décembre 2016, en plein congé des fêtes sans annonce ni couverture médiatique, sans officiel appel à mémoire et avec des délais extrêmement courts ne permettant pas la mobilisation citoyenne. De plus, s’agissant d’une consultation particulière, seuls les groupes invités le jour du lancement devaient être entendus en auditions publiques. Seule la COPHAN avait été invitée pour représenter les personnes ayant des limitations physiques. L’OPHQ n’y figurait pas non plus.

Devant cette situation, MÉMO-Qc a dû réagir dans l’urgence pour réussir à ce que le dossier sur lequel il travaillait depuis des années ait la visibilité requise.

Un communiqué de presse a été diffusé pour dénoncer la manière dont les consultations se tenaient. Il y était demandé de prolonger la durée de cette dernière et d’élargir les invitations à plus de groupes.

Des représentations ont été faites auprès des partis de l’opposition pour qu’ils dénoncent la manière dont la consultation avait lieu et interpellent le gouvernement sur le dossier de la RI.

Des démarches ont été entreprises auprès des groupes parlementaires pour que MÉMO-Qc puisse être invité aux auditions publiques, ce qui lui fut refusé.

Une collaboration a donc été menée avec la COPHAN pour que le dossier de la RI soit intégré à leur mémoire et que MÉMO-Qc puisse, à titre de membre, participer à leur audition publique.

Une grande mobilisation a été menée pour inciter les individus et les organismes partenaires à déposer massivement des avis types préparés par MÉMO-Qc venant appuyer les positions défendues par notre organisme.

Bilan des démarches

Il va sans dire que nous sommes très déçus de ne pas avoir été invités compte tenu de l’ensemble de nos représentations et interventions dans ce dossier au cours des dernières années, dont l’avis étoffé sur la question du RRI, du RRQ et des personnes handicapées que nous avons transmis aux instances gouvernementales concernées en 2016.

Malgré les délais très serrés, MÉMO-Qc a réussi à mobiliser de nombreux individus et organismes qui ont déposé un mémoire sur le sujet auprès de la CFP. Plus de 80 mémoires, dont un tiers provenant d’organismes partenaires et le reste d’individus, ont ainsi été déposés entre les 17 et 20 janvier derniers.

Nombreux également ont été les gens qui ont dénoncé, comme nous, cet inacceptable processus. Nous avons finalement pu participer à la consultation, en tant qu’organisme membre de la COPHAN, mais le temps qui nous était alloué était fort limité. Malgré tout, notre conseiller principal en intégration – volet défense de droits, Nicolas Messier, a présenté le dossier de façon claire et concise et a fait passer le message que le mouvement des personnes handicapées ne se laisserait pas faire.

En réponse à nos revendications concernant une consultation plus longue et plus inclusive, le ministre Carlos J. Leitão nous a répondu lors des auditions publiques que les consultations en cours n’étaient que le début du processus qui s’étalera sur plusieurs mois.

Il faudra donc attendre la suite des évènements pour déterminer les prochaines actions à poser dans ce dossier. Selon des informations officieuses recueillies auprès de députés de l’opposition officielle, un livre vert devrait être soumis au parlement.

Une chose est certaine, une vigie encore plus serrée devra être assurée pour suivre tout développement et éviter que des décisions soient prises sans que cette iniquité dans le RRQ ne soit corrigée. En effet, ce sont des milliers de Québécoises et de Québécois vivant souvent déjà dans une situation précaire qui en seraient appauvris de façon éhontée.

Les prochains mois seront donc décisifs et MÉMO-Qc considère qu’il sera extrêmement important que l’ensemble du milieu communautaire se mobilise pour faire front commun, car c’est l’ensemble des personnes handicapées qui sont touchées. Faute des ressources pour continuer à le faire, notre organisme ne pourra plus, comme ce fut le cas pendant les dernières années, porter seul cet important dossier.

Des démarches sont d’ores et déjà entamées avec certains partenaires pour créer des solidarités et sensibiliser tant les organismes de base que les regroupements aux enjeux en cours afin de s’assurer que tous s’approprient le combat à mener.